La vérité enfouie
Mon coeur s'émeut au souvenir de Slimane,
Il se souvient de Si Mohand-Ou-Mhand: défunts,
Ils furent fauchés, aucun n'eut de descendance.
Leurs os en deux lieux pourrissent,
Le sort de Slimane est connu,
Il a sa tombe creusée en terre d'exil.
Si Mohand, à ce qu'en ont dit
Les scribes et ses compagnons,
Est enterré à Asquif-n-Tmana.
I
Mon coeur s'émeut au souvenir de Slimane,
De la noire injustice dont on le frappa,
Il est mort, pauvre Slimane, sans postérité.
Ce sont mes entrailles qui les amassent!
- Les entrailles que dévorent les maux -
En leurs tréfonds s'amassent les blessures.
Huile émergeant sur la surface d'eau,
Ses poèmes sont la pureté même,
L'arbre dont ils ont surgi est sec.
Il chanta l'exil aux mille souffrances,
Son peuple entaillé par les chiens galeux,
Il chanta la jeunesse, chanta le grand âge.
Consumé, le champs des poèmes !
Des braises étiolées, rien ne demeure,
Jusques aux cendres, happées par le vent.
Aujourd'hui, l'homme le plus vil
Clamera: je plane aux nuées,
Alors que ses pans d'habit empestent la boue.
Ah Moh ! Ah Moh !
Allons, si tu viens, il est temps de partir.
Ah Moh ! Ah Moh !
II
L'exil a saigné mon coeur,
C'est la le fait de ma raison,
Je suis repu d'errances en des terres lointaines.
Saints de mon pays,
Donnez sagesse à mes frères,
Qu'à présent ils me frayent un chemin.
Qu'ils assemblent mes os,
Je crois que les gens de mon village
M'accorderont sépulture.
Ramier, prends ton essor, vole !
Au dessus des Aït Yiraten,
Des Aït Wassif et des Aït Aïssi,
Survole les villages des Wadhiyen ;
Traverse Agwni Gweghran,
Va voir les miens sans exception...
Interroge-les sur Slimane Azem,
Est-ce vérité, ce que l'on dit ?
On l'a dit complice des colons,
Il n'a commis aucun forfait.
Si nous avions un peu d'esprit !
N'a-t-il pas chanté l'indépendance ?
Or nous sommes aveugles,
L'homme de valeur nous le calomnions ;
Le premier venu se fait notre guide ;
Quelle marche mène donc ce pays ?
On l'a appelé le fugitif,
Il n'a tué ni volé.
Est-ce un sort par Dieu écrit,
Ou dessein tracé par les hommes ?
Il s'exila contre ses désirs
De la terre où il naquit.
Sa jeunesse fut vécue à perte,
Il mourut, nul héritier ne vint.
Exilé, étranger
En des pays lointains.
Terreurs et malheurs,
Est-ce là un décret divin ?