La révolte de la veuve
Mon coeur roule en crue, s'éboule;
Il s'affole pour son défunt aimé.
C'était donc là mon destin,
Je devais être veuve, avant mon heure.
Frère, à toi je ne renonce pas,
Même unie à un autre homme,
Tu envoûteras mes nuits,
Jamais je n'aimerai
Comme je t'ai aimé:
Nous fûmes tatoués par la même infortune.
Ton visage est en moi à jamais:
Le temps dû-t-il me fouler aux boues,
Sache que je n'évoquerai le nom de nul autre,
Sinon dans la contrainte.
Si aujourd'hui tu es aboli de mes yeux,
En mon coeur tu es toujours vivant;
Les séquelles que tu opposes à mes voeux,
Je ne puis les affronter.
Tu étais pour moi toute joie et tout plaisir;
Aujourd'hui je suis en larmes;
Mes yeux demeurent incrédules:
C'est ainsi que je guetterai
Le moment où je me joindrai à toi
Pour ensemble vaincre l'effroi de la tombe.
Paisibles sont l'eau et les rameaux;
Mes yeux sont à l'insomnie.
Les jours de l'infortune qui m'échoient,
Je ne puis pas les vaincre.
Sur mon corps tailladé, lardé
Se répandent les épreuves,
Elles l'ont rendu leur proie inéluctable.
Le voici s'égouttant dans la prostration.
Les festivités se succèdent,
Mais la soif torture mon coeur
Et toute patience m'a abandonnée.
Dieu tout-puissant ! Je te défie:
À tout cela ajoute foudre et tonnerre
Et des forces plus néfastes encore...