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Le Barde Flingué de Abderrahmane Lounès
Une biographie de l’insaisissable

Il n'est pas de ces hommes qu'une simple biographie peut cerner et présenter au public. Celui dont « Le barde flingué » tente de tracer les contours est une créature fuyarde, mercurielle, échappant à toutes les qualifications ruminées et diminuantes (ou gonflantes) qu'on lui a attribuées depuis son apparition fracassante dans le monde de la chanson. Un homme inconnu de tous tant il est pluriel et riche de personnalités aussi divergentes qu'harmonieuses dans l'ensemble.

Matoub, comme beaucoup d'autres artistes, est un caméléon s'amusant à jouer avec le monde en changeant de peau et de couleurs à chaque fois que le caprice lui en vient. Tantôt pour se protéger contre ses éternels détracteurs, tantôt pour assouvir une soif personnelle de narguer le monde, Matoub n'en finit pas de nous présenter chaque jour une facette de sa personnalité aussi bien en chantant qu'en discutant, polémiquant ou se bagarrant avec les autres.

Tous ceux qui l'ont côtoyé et cru le connaître de près, se targuent chacun de son coté de déceler en lui le vrai Matoub. Une simple illusion bien entendu ! Ce n'est pas par mépris ou par simple mégalomanie que Matoub s'amuse souvent à changer de personnalité mais c'est plutôt un besoin permanent chez lui de vivre toutes ses facettes, de les faire connaître et admettre aux gens qui l'aiment et l'admirent.

C'est un besoin de maintenir et préserver ses richesses intérieures qui le pousse à faire comprendre aux gens qu'il n'est pas l'homme à se coincer dans une seule image emblématique qu'ils ont voulu lui attribuer, il n'est pas l'artiste qui stagne sur un seul genre musical seulement parce que ses admirateurs s'obstinent à l'y condamner.
Abderrahmane Lounès, avec un courage et une audace propre à l'écrivain, a tenté de faire découvrir à ceux qui n'ont pas eu la chance de connaître l'homme Lounès et l'artiste Matoub, celui-là même qui déroute par ses dédoublements et ses prises de positions imprévisibles.

« Le barde flingué » s'est voulu un guide archéologue pour les aventuriers épris d'odeurs antiques qui leur permettra d'explorer et de découvrir l'immense caverne d'Ali Baba qu'est cet impayable Matoub Lounès.
Mais, comme dans toute œuvre de ce genre, on y trouve quelques lacunes, quelques non-dits et beaucoup de zones d'ombre.

Cela est, d'une part, dû au personnage complexe et riche en paradoxes qu'est Matoub et, d'une autre part, à certaines conditions imposées (peut être) par l'artiste lui-même de son vivant (puisque ce livre a été écrit du vivant de Matoub) et celles imposées par d'autres « sphères » (politiques probablement), après la mort du barde, pour assurer la médiatisation de l'ouvrage.

Pour la première raison, on constate aisément que l'auteur se contente souvent de nous dire, et de nous répéter, et encore de le re-répéter que Matoub est un être complexe, pluriel, insaisissable, impénétrable…etc. etc. ! Sans pour cela offrir, à ceux que la soif de découvrir ces fameuses pluralités de l'artiste, une esquisse aussi approximative soit-elle des innombrables zones d'ombres et de mystères qui enveloppent le Rebelle.

Quant à la deuxième raison, on remarque, avec une frustration poignante, que certains passages de la vie de Matoub sont volontairement inhibés ou presque. Notamment ceux qui touchent sa vie privée.

On est tenté de nous poser des questions là-dessus : pourquoi l'auteur a-t-il négligé les amour de l'artiste, et surtout son amour pour sa femme Djamila, en en parlant furtivement, avec pudeur, sans profondeur aucune ? Alors que Matoub se dévoile volontiers dans ses chansons et nous raconte, sans pudeur ni honte, comment il a aimé cette femme, comment il l'a perdue et de quelle façon martyrisée souffre-t-il de son absence ? On penserait probablement que, puisque « Le barde Flingué » a été écrit du vivant de l'artiste, Matoub aurait demandé à Abderrahmane Lounès d'omettre ou, du moins, de ne pas trop s'attarder sur sa vie privée. Mais cela ne tient pas debout en raison du courage et de l'audace du poète à chanter cette même vie privée avec une clarté et une sincérité contrastant visiblement avec la pudeur et le fameux « non-dit » traditionnel kabyle. Pourquoi donc avoir omis ce vaste espace de la vie de Matoub ? La question reste posée.

Hormis ce coté « pudique » de la biographie, on constate, cette fois avec indignation, certaines conclusions décevantes et douteuses ajoutées à la biographie après l'assassinat de Matoub. Ainsi, l'auteur affirme avec une aisance et une sûreté extraordinaires que Matoub Lounès, l'enfant terrible de la chanson algérienne, l'homme qui gêne et dérange, l'homme qui dit tout haut les vérités pas du tout bonnes à dire, a été assassiné par le GIA !
Et là encore, on ne peut que poser certaines questions : sur quelles preuves l'auteur s'est-il appuyé pour affirmer cela ? S'est-il contenté du tract publié par Hassan Hattab revendiquant l'assassinat du Barde ? Dans ce cas, comment un esprit critique et libre de toute influence peut-il croire sans vergogne à ce grand bluff ? Pourquoi l'auteur a-t-il omis de parler du témoignage de Nadia, la femme du poète, qui affirmait que les meurtriers semblaient réaliser une mise en scène peu crédible. Notamment ce fameux « Allah Akbar » scandé par l'un d'eux « en retard », comme s'il avait oublié de signer son exploit par ce cachet propre aux terroristes. Cet oubli prouvant une seule et incontestable vérité : Ce n'était pas un terroriste !

Même si l'on ignorait toutes ces données et que l'on se forçait à croire que l'auteur est vraiment convaincu de sa conclusion, pourquoi n'a-t-il pas, en moins, exposé l'opinion adverse ? Celui qui soutient que Matoub a été lâchement assassiné par le pouvoir, avec une complicité traîtresse de certains proches de la victime ? L'objectivité, étant le but de l'auteur (ce qu'il nous a assuré dans l'introduction), pourquoi ne pas dire l'autre point de vue ? Ce dernier est, qu'on le veuille ou pas, le plus répandu dans la populace qui persiste et signe, dans toutes les occasions possibles : « Pouvoir assassin » !

La vie privée de Matoub qui a enrichi et coloré son œuvre et l'assassinat qui a fait de lui un incontestable Héros national étaient, d'une façon ou d'une autre, malheureusement négligés dans cet ouvrage que l'on espérait un portrait fidèle et authentique de la vie du Barde Flingué.

Cela ne nous mène certainement pas à dénigrer la valeur historique et artistique du livre mais, il faut admettre qu'on aurait été plus envoûté, plus satisfait et, surtout, plus fier d'un ouvrage qui défie tout et tous pour clamer haut et fort les vérités que Matoub avait sacrifié sa vie pour les défendre et les cracher sur ceux qui ont fait du mensonge leur idéologie et leur religion.

« Le Barde Flingué » de Abderrahmane Lounès est, certes, une biographie riche en analyses et en événements mais, comme toute œuvre qui manque d'audace et de vérités poignantes, on peut dire qu'elle reste à voir et à corriger !

Peut être, un jour, yaurait-il un téméraire, un inconditionnel du barde, un audacieux épris de vérité et contre toute manipulation, qui vomira au monde entier les quatre vérités sur Matoub, le Poète immortel et l'Homme insaisissable ?

Par  Sarah HAIDAR

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